Je pense que tu verras dans « Paradoxical Sleep » une nette évolution par rapport à « Echoing Rêverie » mais les quelques personnes qui l’ont entendu trouvent quand même que c’est bien du The Ultimate Dreamers.
The Ultimate Dreamers créent de la nouvelle musique à toute vitesse. Leur nouveau single « Digging » est sorti la semaine dernière et est le précurseur de l'album « Paradoxical Sleep », dont la sortie est prévue en janvier 2025. Il s'agit du deuxième album du groupe depuis la reformation de 2021, lorsqu'une compilation de leurs premières années de 1986 à 1991 est sortie. Le samedi 12 octobre 2024, le groupe jouera lors d'une Dark Entries Night au Kinky Star de Gand, et c'est la raison pour laquelle nous avons soumis quelques questions à l'Ultimate Dreamer Frédéric Cotton.
Bonjour Frédéric. Vous ne vous reposez pas avec The Ultimate Dreamers. Depuis que le groupe s’est reformé en 2021, vous avez sorti un single, un album, un EP, et un deuxième single annonçant le deuxième album, qui sortira en janvier 2025. Comment arrivez vous à être si productifs ?
Bonjour Xavier, merci pour cette interview.
En 2021, The Ultimate Dreamers se sont réveillés d’un très long sommeil. Au départ l’idée était juste de présenter « Live Happily… », la compilation des vieilles démos éditée par Wool-E Discs. Très rapidement, l’envie de prolonger est arrivée et j’ai réalisé que nous étions un nouveau groupe : les trois membres d’origine avait un nouveau rôle (à part moi qui gardait le chant mais sans guitare) et un autre vécu une nouvelle claviériste nous avait rejoints, et le contexte était très différent. C’est ce qui explique, je crois, notre productivité : il y avait cette soif et cette envie propre aux jeunes groupes, même si nous sommes tous quinquas.
Je ne vais plus revenir sur votre passé dans les années 80, dont on trouve une compilation sur le disque « Live Happily While Waiting For Death » sorti en 2021. Nous en avons parlé au cours de précédentes interviews. Je propose plutôt de parler de vos nouvelle œuvre depuis la reformation du groupe en 2021. Nous commençons donc avec le single « Polarized », qui sort en septembre 2022. Quelle était votre ambition à ce stade là ?
Après les fouilles archéologiques dans notre répertoire du passé, sa redécouverte et sa restauration, « Polarized » est le premier morceau complètement neuf que nous avons écrit. En ce sens, il est plus moderne au niveau de ses sonorités et de son énergie. Notre ambition à ce moment-là était de montrer qui étaient The Ultimate Dreamers, anno 2022 : un groupe qui avait décidé de ne pas rester dans la nostalgie mais de démarrer une nouvelle aventure. J’avais une forte envie de sortir un 45 tours / 7’’ single, ce que nous avons donc fait en créant notre propre label, Komakino Records.
Quelques mois plus tard, en janvier 2023, « Polarized » sort en format EP digital avec plusieurs remix complémentaires. C’est une des premières sorties du label Spleen+, une nouvelle section du label electro Alfa Matrix qui se concentre sur la cold wave et le post punk. Comment avez-vous réussi à faire cela ?
« Echoing Reverie » était prêt fin 2022. J’ai démarché quelques labels dont plusieurs se sont montrés intéressés. Nous avons finalement signé avec Wave Tension Records pour une sortie vinyle. J’étais aussi en contact avec Alfa Matrix mais nous dénotions un peu dans leur catalogue très électro. Après plusieurs longs échanges, Séba Dolimont a saisi l’opportunité pour concrétiser une idée qu’il avait depuis longtemps : créer un sous-label post-punk / cold wave / minimal wave. Il nous a proposé de ressortir « Polarized » sous forme d’EP digital en avant-goût de la publication de « Echoing Reverie » au format CD, première production du label. Il m’a aussi proposé de participer à la création de la magnifique compilation « Resurgence » qui sortira en décembre de cette année. Nous sommes maintenant liés pour une collaboration à long terme avec Spleen+, un label qui nous est cher.
Suit alors l’album « Echoing Rêverie » en mars 2023. Le disque, sorti en CD et en vinyle, contient six chansons, et deux remix additionnels en format digital. On y remarque des compositions complexes et variées, qui évoluent pas mal au court d’une chanson. En ce sens, l’album est très différent de ce que vous avez enregistré dans les années 80. Comment évaluez-vous la différence entre ‘Echoing Reverie’ et les anciens morceaux ?
En fait, la compilation « Live Happily… » contenait principalement nos tous premiers morceaux, ceux que nous avions pu enregistrer à la maison, avec les moyens du bord, lors de première phase du groupe, quand nous nous basions principalement sur les synthétiseurs. Nous avions écrit d’autres morceaux par la suite, avec guitares et batterie, mais nous n’avions pas pu les enregistrer dans des conditions décentes. Quatre des six morceaux de « Echoing Rêverie » (« A Day in the Life », « Big Violent », « Midnight » et « Piano Ghost ») en faisaient partie. Nous les avons retravaillés et réenregistrés en 2022 mais ils restent représentatifs des anciens Ultimate Dreamers. Comme je l’ai déjà dit, « Polarized » est totalement neuf et appartient aux Ultimate Dreamers d’aujourd’hui.
L’EP « Violent Ghost » reprenait trois chansons de « Echoing Rêverie », avec plusieurs remix et reprises très créatives. Quel était l’implication du groupe dans la composition de cet EP ?
« Violent Ghost » comprenait d’abord des mixes alternatifs de « Big Violent » et « Piano Ghost » que j’avais réalisées avec Len Lemeire dans son studio. J’avais envie de versions plus musclées que celle de « Echoing Rêverie ». Ce sont d’ailleurs celles que nous jouons en concert aujourd’hui. Pour « Midnight », je voulais exploiter les qualités de musicienne classique de Sandrine, notre nouvelle claviériste. Elle a participé à l’écriture des lignes de piano et de violoncelle pour une nouvelle version acoustique.
Pour les remixes, qui sont un peu une tradition chez Alfa Matrix, j’ai fait appel à trois musiciens que j’admire : Luca Bandini de Shad Shadows / Schonwald, Sébastien Carl de Hørd et Patrick Codenys des légendaires Front 242. Je leur ai laissé carte blanche et le résultat est parfait. C’est le travail de Patrick qui m’a le plus impressionné. Il a complètement reconstruit le morceau, se l’appropriant pour faire quelque chose de différent mais avec un esprit intact. Beaucoup de gens ont pensé que c’était Jean-Luc De Meyer qui chantait sur ce remix mais c’est bien ma voix qu’on entend !
Et puis il y a le nouveau single « Digging », qui est sorti à la mi-septembre. Je constate de nouveau que la composition est intelligente et consiste de plusieurs sections. Comment se passe la composition des morceaux au sein des Ultimate Dreamers ? Est-ce que vous vous mettez des directives, par exemple pour la complexité de la chanson ou la variation en différentes sections ?
Merci beaucoup. « Digging » est un morceau que j’ai écrit pendant l’été 2023, alors que j’étais en vacances dans la région de Lübeck, en Allemagne. Ce furent deux semaines très agréables et productives sur le plan de la composition.
Il n’y a pas de règles précises pour la composition et encore moins de directives. Le plus souvent, c’est moi qui apporte des propositions déjà assez avancés qui évoluent ensuite avec l’apport des autres musiciens. Parfois, je laisse le morceau mûrir quelques semaines ou mois avant de le reprendre. D’autres fois, Bertrand (guitare) et Joël (basse) viennent avec des idées que je travaille ensuite dans mon coin avant de les ramener au groupe où tout le monde apporte sa touche. La phase finale se passe dans le studio de Len Lemeire qui apporte un regard neuf avec son travail de production puis de mixage, qui fait encore évoluer le morceau. Le background de Len est différent du mien mais notre collaboration donne un alliage typiquement belge je crois. C’est en tout cas ce qu’on m’a fait remarquer lors de notre mini-tournée en Angleterre. On pourrait, modestement bien sûr, comparer ce mélange à la musique de The Neon Judgement, avec un équilibre entre post-punk et electro.
« Digging » doit annoncer votre nouvel album « Paradoxical Sleep », qui sortira en janvier 2025. Tu peux déjà nous dire quelque chose sur ce nouveau disque ?
La version vinyle contiendra dix nouvelles compositions et une nouvelle version de « Envoler ». C’est une chanson qui était déjà présente sur « Live Happily… » et que le public aime beaucoup. Nous avons pensé qu’elle méritait d’être retravaillée. C’est notre seul morceau en français mais il m’arrive de l’interpréter en néerlandais...
La version CD contiendra deux titres bonus : un autre ancien morceau réenregistré et un instrumental que nous jouons déjà régulièrement sur scène. L’album est assez varié, avec des morceaux plus durs et d’autres plus intimes. Globalement, il est sombre, dans les sons comme dans les thèmes abordés. Kelly O’Hara, une amie écossaise, a coécrit les paroles. Sur deux morceaux interviennent deux chanteuses que j’aime beaucoup. Ce sont des collaborations très agréables.
Je pense que tu verras dans « Paradoxical Sleep » une nette évolution par rapport à « Echoing Rêverie » mais les quelques personnes qui l’ont entendu trouvent quand même que c’est bien du The Ultimate Dreamers. Outre le travail de Len, je dois souligner l’apport important de Patrick Codenys qui m’a donné de précieux conseils pour le mixage et la structure de certains morceaux.
Pour « Digging », comme pour plusieurs autres chansons, vous avez fait des clip très professionnels, pour lesquels vous faites appel à des régisseurs talentueux. Quel est votre but quand vous décidez de sortir un clip pour une de vos chansons ?
J’ai lu quelque part qu’on produisait moins de vidéos de nos jours qu’autrefois. Je considère néanmoins que l’image reste un véhicule important pour la musique. J’aime collaborer avec des réalisateurs qui apportent leur propre sensibilité à la musique. Pour « Echoing Rêverie », nous avons essentiellement travaillé avec Thomas De Moor (fils du dessinateur Johan). Il a produit quatre vidéos originales. Pour « Paradoxical Sleep », nous collaborons avec la gantoise-bruxelloise Nele Vereecke aka Amanita Noir, qui a pas mal travaillé avec des groupes métal. Sa création transcende véritablement « Digging ». C’est une vraie réussite car l’image apporte une autre dimension au morceau.
The Ultimate Dreamers ont aussi fait plusieurs reprises, entre autres de « Hell’s Bells » de AC/DC et de « Lovesong » de The Cure. Quel est l’intérêt de faire des reprises pour vous ?
C’est un sujet délicat car je sais que certaines personnes n’aiment pas les reprises. Certaines nous ont reproché d’en avoir fait. Je peux le comprendre puisque j’ai moi-même une sainte horreur de toute cette vague horrible de cover et tribute bands. Mais je pense qu’une reprise ponctuelle est quelque chose de différent qui doit être vu comme un hommage. Les exemples sont innombrables, y compris dans la scène dark. Pensons par exemple à la reprise de « Ziggy Stardust » par Bauhaus… C’est le cas du « Lovesong » de The Cure qui est l’un de mes morceaux préférés, même si les fans hardcore ne l’adorent pas et que Robert Smith lui-même le désavoue. C’est un des titres que nous nous sommes amusés à reprendre lors de nos premières répétitions en 2021. Nous en avons fait une version ralentie, épurée, plus sombre. Quand Séba nous a proposé de participer à la compilation « A Strange Play. 2 », la reprise était prête. Nous l’avons enregistrée et continuons à la jouer régulièrement.
Pour « Hell’s Bells », c’est autre chose. Je ne suis pas spécialement fan d’AC/DC mais j’ai un jour flashé sur ce morceau en l’entendant à la radio. J’ai soudain perçu toute la noirceur et la beauté du titre. Je l’ai disséqué et réassemblé en quelque chose que j’ai voulu différent mais respectueux. Globalement, c’est un morceau que la plupart des gens apprécient. En Angleterre, par exemple, la réception a été très enthousiaste.
Tu es aussi connu comme organisateur des Fantastique.Nights à Bruxelles, une série de concerts que j’ai toujours beaucoup apprécié. Tu avais annoncé que tu arrêterais tes activités en tant qu’organisateur quand The Ultimate Dreamers ont commencé à avoir beaucoup de concerts. Pourtant, je vois que tu continues à organiser des concerts de temps à autres. Comment comptes-tu combiner ces deux activités à l’avenir ?
Pendant plus de 20 ans, j’ai mis toute ma passion dans ces événements. J’y pensais matin, midi et soir. C’était presque obsessionnel et addictif mais la pandémie COVID m’a libéré. Organiser des concerts est une activité passionnante mais aussi très ingrate. J’y ai pris beaucoup de plaisir et rencontré énormément de personnes géniales mais je suis soulagé d’avoir (quasiment) arrêté. Aujourd’hui, je monte encore un ou deux événements par an, le plus souvent pour faire plaisir à des amis, mais je n’ai pas l’intention de reprendre le rythme des années 2015-2020.
Je suis certain que tes activités en tant qu’organisateur t’ouvrent aussi des portes pour obtenir des concerts. Quand je vois l’agenda de vos concerts, il est toujours bien rempli. Comment vous y prenez-vous ?
Beaucoup de gens pensent cela mais ce n’est pas tellement vrai. Avec mes activités d’organisateur, j’ai certes construit un carnet d’adresses bien garni et quelques personnes m’ont effectivement renvoyé l’ascenseur au début mais il y en a aussi beaucoup plus qui ont la mémoire très courte... Par contre, ces activités m’ont donné une bonne connaissance de la façon dont les choses fonctionnent. Je comprends les besoins des organisateurs, ce qui m’aide effectivement à trouver des accords. Le reste est surtout beaucoup de travail, d’e-mails et de coups de téléphone. Sans effort, on n’obtient pas grand-chose. C’est vrai dans tous les domaines.
Pour terminer, j’aimerais remercier toute l’équipe de Dark Entries pour le soutien à la scène underground belge et à notre projet, en particulier. Votre travail et votre passion sont très importants. Merci, vraiment.
Il n'y a pas de quoi.
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Photo: Luc Luyten